Ce
que la CIA pourrait apprendre du Venezuela :
l'affaire Luis Posada Carriles
L'émoi suscité par les informations récentes
à propos d'une demande d'asile politique soumise par un certain Luis Posada
Carriles, de nationalité cubaine et terroriste recherché Internationalement,
a placé l'administration Bush face à un dilemme. Si elle accorde l'asile à
Posada Carriles, elle nie sa déclaration universelle de guerre contre le
terrorisme comprenant ceux qui hébergent ou accueillent des terroristes .
Mais, si elle refuse l'asile à ce même Posada Carriles, non seulement le
gouvernement américain tourne le dos à un ancien serviteur de ce pays - puisque
Posada a été un agent de la Central Intelligence Agency (CIA) depuis les années
60 jusqu' à une date inconnue -, mais elle se place également dans la situation
particulièrement délicate d'avoir à décider si, oui ou non, elle va l'extrader
vers le Venezuela, dont il fuit la justice, ou l'envoyer dans quelque pays
du tiers monde considère comme neutre, où il pourrait être jugé pour ses crimes,
ou encore lui conférer un statut de protection aux Etats-Unis qui lui accorderait
le droit de résider et de travailler librement dans les limites territoriales
de la superpuissance mondiale et de la principale nation en guerre contre
le terrorisme. Accepter l'extradition de Posada Carriles vers le Venezuela
serait exploite par les médias comme une victoire pour le président Hugo Chavez,
une pilule très dure à avaler pour une administration Bush qui a appuyé nombre
d'efforts visant, ces dernières années, à évincer le dirigeant vénézuélien.
Suite à cette situation plutôt difficile à laquelle est confronte le second
mandat du gouvernement Bush, le département d'état et les porte-parole de
la Maison-Blanche ont refusé de reconnaître la présence de Posada Carriles
aux Etats-Unis, en dépit du fait bien connu que sa demande d'asile a été soumise
au département américain de la Citoyenneté et des Services d'Immigration.
Il y a environ six semaines, de nouveaux récits présentés sur les chaînes
locales de Floride ont commencé à diffuser des informations sur l'arrivée
clandestine de Luis Posada Carriles sur le sol américain. Peu après, son avocat,
Eduardo Soto, annonait que Posada Carriles allait demander l'asile en s'appuyant
sur ses états de service, en cas de poursuites politiques, d'avoir à être
déporté à Cuba, son pays natal.
Une demande d'asile politique ne peut être présentée que lorsqu'un individu
est entré aux Etats-Unis et elle doit être présenté dans l'année qui suit
son entrée. Afin d'entrer en considération pour le droit d'asile, un individu
doit répondre à la définition de à réfugie à telle qu'elle est reprise dans
la Loi américaine sur l'Immigration et la nationalité (IMA) et dans les termes
suivants : à une personne incapable ou non désireuse de retourner dans son
pays d'origine et de se livrer à la protection de ce dernier ou, si elle est
apatride, dans son dernier pays de résidence en raison de poursuites ou de
craintes bien fondées de poursuites pour des motifs de race, de religion,
de nationalité ou d'appartenance à un groupe social particulier, ou pour ses
opinions politiques è.
Toutefois, un individu qui répond à la définition de à réfugie à telle que
reprise dans l'INA, peut se voir refuser l'asile politique conformément aux
paragraphes suivantes de l'INA :
Une personne demanderesse se verra refuser l'asile en fonction du à 208(b)(2)
de l'INA si elle :
1. A
commande, incité, assiste ou participé d'une façon ou d'une autre à la poursuite
de quelque personne pour des raisons de race, de religion, de nationalité,
d'appartenance à un groupe social particulier ou pour des opinions politiques;
2. A
été déclarée coupable d'un crime particulièrement grave (y compris avec circonstances
aggravantes);
3. A
commis un grime non politique grave à l'extérieur des Etats-Unis;
4. Constitue
un danger pour la sécurité des Etats-Unis;
5. S'est
réinstallé pour de bon dans un autre pays avant d'arriver aux Etats-Unis
(voir 8 CFR à 208.15 pour une définition d' installation définitive.
Une personne se verra également refuser l'asile en fonction du à 208 de l'INA
si elle n'est pas admissible en fonction du à 212(a)(3)(B) de l'INA ou si
elle extradable en fonction du à 237(a)(4)(B) de l'INA si elle :
1. S'est
engagée dans des activités terroristes;
2. S'est
engagée ou est susceptible de s'engager, après son entrée, dans la moindre
activitè terroriste (un fonctionnaire consulaire ou l'attorney général sait,
ou a des raisons valables de croire, que c'est le cas);
3. A,
dans quelques circonstances que ce soit rèvèlant une intention de provoquer
la mort ou de graves dommages corporels, provoque une activité terroriste;
4. représente
(a) une organisation terroriste étrangère, dans les termes repris par le secrétaire
d'état dans la section 219 de l'INA ou (b) un groupe politique, social ou
autre similaire dont la perpétuation publique de faits d'activité terroriste
telles que les a définis le secrétaire d'état sape les efforts des Etats-Unis
en vue de réduire ou d'éliminer les activités terroristes;*
5. Est
membre d'une organisation terroriste étrangère, telle que l'a désignée le
secrétaire d'état dans la section 219 de l'INA, ou dont vous savez, ou auriez
dû savoir, qu'elle est une organisation terroriste;
6. A
utilisé une position d'avant-plan dans quelque pays que ce soit pour avaliser
ou embrasser des activités terroristes, ou persuader des tiers de soutenir
des activités terroristes ou une organisation terroriste, qui, de la façon
définie par le secrétaire d'état, sape les efforts des Etats-Unis en vue de
réduire ou d'éliminer les activités terroristes.*
* Ces deux catégories ont été ajoutées par la loi USA PATRIOT (Uniting and
Strengthening America by Providing Appropriate Tools Required to Intercept
and Obstruct Terrorism - Unir et renforcer l'Amérique en mettant à sa disposition
les outils nécessaires pour intercepter et contrecarrer le terrorisme), P.L.
107-56, du 26 octobre 2001, loi qui fut promulguée en réponse aux attentats
terroristes du 11 septembre 2001.
Luis Posada Carriles a fui la justice du Venezuela et il est un terroriste
international, conformément à la définition du Federal Bureau of Investigations
(FBI), et, par consèquent, il ne peut se voir accorder l'asile politique en
fonction des lois des Etats-Unis. En 1985, il s'évadait d'une prison à sécurité
minimale située au Venezuela. Il était déguisé en prêtre et avait bénéficie
de l'aide de la Cuban American National Foundation, financée par le gouvernement
américain, après neuf années de détention suite à son implication dans un
attentat à la bombe contre un appareil de la Cubana de Aviacièn, attentat
qui avait tue les 73 personnes se trouvant à bord. A l'époque de son évasion,
le procès contre Posada Carriles pour son rôle en tant que coauteur de l'attentat
contre les lignes cubaines, en compagnie de son compagnon le terroriste anti-castriste
cubain Orlando Bosch, était traite en appel. En tant que tel, une condamnation
ne fut jamais prononcée, malgré plus de preuves qu'il n'en fallait pour mettre
Posada Carriles derrière les barreaux pendant quelques décennies. Bosch fut
emprisonné durant onze ans pour son implication dans l'attentat à la bombe
et fut relaxée par des juges corrompus qui avaient conclu des marchés avec
l'ambassadeur américain au Venezuela, M. Otto Reich, lequel, avec l'important
soutien financier et politique de la Cuban American National Foundation et
de la première administration Bush, assura l'entrée de Bosch aux Etats-Unis.
Remarquez que, dès l'arrivée de Bosch aux Etats-Unis, en 1988, il fut placé
en détention par les services de l'immigration, puisqu'il avait également
été répertorié comme à terroriste à par le FBI, mais le président George H.W.
Bush (le père de l'actuel) lui donna un à sauf-conduit le libérant de prison
è, une grâce, dès lors, lui permit de vivre librement à Miami.
Deux des autres complices de l'attentat à la bombe, Freddy Lugo et Hernan
Ricardo Lozano, connus comme étant les deux Vénézuélien qui avaient en fait
placé la bombe à bord de l'appareil ayant décollé de la Barbade, le 6 octobre
1976, furent condamnés pour leur rôle dans cet acte terroriste et passèrent
plus de 20 ans de prison au Venezuela. Tant Logo que Lozano ont purge toute
leur peine et ils résident toujours au Venezuela actuellement.
Des documents récemment déclasses de la CIA et du FBI, obtenus les Archives
de la sécurité nationale, une association sans but lucratif installée à Washington,
fournissent d'amples preuves confirmant l'implication de Posada Carriles dans
l'attentat à la bombe contre l'avion de ligne cubain ainsi que dans d'autres
actes de terrorisme, de même que son statut d'agent de la CIA. Un document
secret de la CIA, date d'octobre 1976, déclare : à Nous avons déterminée que
cette agence était en relation avec une personne dont le nom a été mentionné à propos de l'attentat à la bombe en question. L'employeur de Lugo et de Lozano
à Caracas est Luis Posada Carriles, ancien chef de la Division de contre-espionnage
du Directorat des Services de Renseignements et de Prévention (DISIP), c'est-à-dire
le service de sécurité civile du Venezuela. Posada est un ancien agent de
la CIA. Son contrat s'est terminé à l'amiable en juillet 1987, mais le contact
fut rétabli en octobre 1987. Nous avons maintenu des contacts occasionnels
avec lui depuis. à
Un autre document du gouvernement américain confirme le statut de Posada avec
la CIA : à Luis Posada, avec qui la CIA a des intérêts opèrationnels, reçoit
environ 300 dollars par mois de l'agence. à
Un document du FBI, date de novembre 1976, affirme que Posada Carriles a participé
à au moins deux réunions de préparation de l'attentat à la bombe contre l'avion
de ligne cubain : à Certains plans concernant un attentat à la bombe contre
un appareil des lignes aériennes cubaines ont été discutes au bar de l'hôtel
Anauco Hilton, à Caracas, au Venezuela. Frank Castro, Gustavo Castillo, Luis
Posada Carriles et Morales Navarrete étaient présents lors de cette réunion.
Morales Navarrete a déclaré qu'une autre réunion. prévoyant un attentat contre
un appareil cubain avait eu lieu dans son propre appartement de l'Anauco Hilton.
Cette réunion. fut elle aussi antérieure à l'attentat contre l'avion de ligne
cubain, le 6 octobre 1976. Les personnes présentes à cette réunion. étaient
Morales Navarrete, Posada Carriles et Frank Castro. à
Outre ces preuves récemment révélées, Posada Carriles, selon ses propres dires
au cours d'une interview donnée au New
York Times voici sept ans, a été implique
dans une série de missions visant à faire sauter des ressortissants cubains
ou certains sites cubains . Il organisa plusieurs attentats à la bombe dans
d'importants sites touristiques de La Havane, dont l'un provoqua la mort d'un
touriste italien. En novembre 2000, le président cubain Fidel Castro accusa
Posada Carriles d'avoir prévu de l'assassiner à Panama durant une conférence
internationale. Posada fut arrêté et trouvé en possession de 33 livres (15
kg) de plastic C-4. Il se fit infliger une peine de prison de 8 ans pour à
avoir compris la sécurité publique è. Le président panaméen sortant, Mireya
Moscoso, un allié de la communauté cubaine anti-castriste de Floride, amnistia
Posada Carriles. Ce fut son dernier acte avant de quitter ses fonction, et
la libération d'un terroriste international aussi dangereux souleva un tollé
au niveau international.
Il existe de nombreuses preuves établissant que Posada Carriles a exerce de
nombreuses activités terroristes. Le Venezuela a un mandat d'arrêt en cours
prévoyant son arrestation sur accusation d'homicides dans l'affaire de l'attentat
contre les lignes aériennes cubaines. Les propres documents de la CIA et du
FBI confirment la participation de Posada Carriles à plusieurs organisations
terroristes et autres activités. La Cour suprême du Venezuela a autorise la
requête d'extradition sous la loi vénézuélienne, affirmant que les charges
contre l'homme étaient toujours valables.
Conformément au traité d'extradition de 1922 entre les Etats-Unis et le Venezuela,
à toute personne pouvant être accusée ou convaincue de délits commis dans
le cadre de la juridiction de l'une des parties contractantes et spécifiés
dans l'article II de cette convention, et se trouvant soumis à cette juridiction
au moment où le délit a été commis, et qui demandera asile ou sera découverte
sur le territoire de l'autre è, sera à livrée à la justice de la nation appropriée
è. L'article II du traité inclut les délits de à meurtre, assassinat, homicide
et tentative de meurtre è. Posada Carriles a été accusé de plusieurs cas d'homicides,
de meurtres par les tribunaux vénézuéliens pour son rôle d'auteur intellectuel
de l'attentat contre l'avion de ligne cubain qui tua 73 personnes. L'attentat,
comme l'ont confirmé les documents déclasses de la CIA et du FBI, avait été
préparé par Posada Carriles et les conspirateurs de l'hôtel Anauco Hilton
de Caracas. Par conséquent, les exigences du traite d'extradition sont manifestement
remplies.
Dans ce cas, si les exigences légales ont été remplies, pourquoi les Etats-Unis
sont-ils indécis et éludent-ils la question ?
L'administration Bush pouvait elle réellement croire qu'elle se doit de à
protéger à Posada Carriles en raison des années durant lesquelles il a défendu
les intérêts du gouvernement américain, d'abord en tant que soldat dans l'armées
américaine, de février 1963 à mars 1964 et, ensuite, comme agent de la CIA
? Osama bin Laden, lui aussi, a été un agent entraînez paye par le gouvernement
américain durant la guerre d'Afghanistan contre l'ancienne Union soviétique.
Mais l'administration Bush a très rapidement mis une rècompense sur sa tête
et déclaré qu'il était un terroriste international après les attentats du
11 septembre 2001 en territoire américain. Posada Carriles pourrait-il recevoir
un traitement spécial du fait que ses activités terroristes n'ont jamais été
dirigées contre les intérêts américains ? Peut-être tout ce blabla vise-t-il
à apaiser la communauté cubano-américaine de Miami, qui soutient depuis très
longtemps la famille Bush, y compris le très important gouverneur de Floride,
Jeb Bush, dont le boulot serait compromis si l'on venait à faire un affront
aux Cubains de Miami.
Posada Carriles fut aussi jadis directeur du contre-espionnage au Venezuela,
le DISIP, l'équivalent du FBI. Il s'agissait certainement d'un poste plus
élevé que celui de simple agent du FBI à 300 dollars par mois. Pourtant, le
Venezuela n'a nullement l'impression d'être redevable à Posada Carriles de
la moindre à protection à ni de quelque traitement spécial que ce soit. Dès
que le gouvernement vénézuélien découvrit son rôle dans l'attentat à la bombe
de 1976, il sortit un mandat réclamant son arrestation. Il ne se vit accorder
la moindre faveur pour ses à services rendus à au Venezuela en tant qu'agent
des renseignements. Et même si les intérêts vénézuélien ne furent pas directement
affectés par l'attentat contre l'avion cubain, le gouvernement vénézuélien
saisit très bien la notion de à terrorisme international à et de à crime contre l' humanité è.
Il n'est pas surprenant qu'une nation qui est revenue sur sa signature de
la Cour pénale internationale et qui n'a jamais ratifié les conventions et
traites internationaux en matière de droits de l'homme et de terrorisme est
potentiellement disposée à accorder l'asile à un terroriste international.
Ce qui surprend, c'est que les citoyens américains continuent de tolèrer qu'on
ne remette pas en question une telle hypocrisie de la part de leur gouvernement.
Les membres de la communauté américaine vont-ils permettre à leur gouvernement
de condamner des actes de terrorisme contre d'autres nations et d'accorder
l'asile à des terroristes internationaux aussi longtemps que ceux-ci ne s'en
prennent pas à des citoyens américains ?
Orlando Bosch avait déjà été catalogue de terroriste par le FBI dans les années
70. N'empêche qu'aujourd'hui, il réside en toute liberté à Miami et avec la
bénédiction de la famille Bush. L'hôte d'autres anciens dictateurs et bourreaux
s'est vu accorder l'asile dans le à pays de la liberté. Posada Carriles
va-t-il bénéficier du même traitement ?
Le gouvernement vénézuélien est assez mur pour accepter que son ancien directeur
des services de renseignements doit être livrè à la justice pour avoir commis
un crime. La CIA devrait se fourrer la queue entre les jambes et suivre le
bon exemple du Venezuela. Il ne s'agit pas que Bush sauve la face devant Chèvez
et Castro, il s'agit simplement qu'un homme responsable de morts horribles
d'innocentes victimes paie pour ses crimes de sorte que ces victimes mêmes
et leurs familles puissent enfin connaître la paix.
**Eva Golinger est une avocate vènézuélienne et américaine spècialisèe dans
les lois internationales et dans les questions d'immigration. Elle est l'auteur
de The Chàvez Code: Cracking U.S. Intervention in Venezuela (Le code
Chàvez : Dèjouer l'intervention américaine au Venezuela), disponible sur son
website, www.venezuelafoia.info,
et sur Amazon.com. Les documents du FBI et de la CIA concernant Luis Posada
Carriles et mentionnés dans cet article peuvent être consultès à la page web
des Archives de la sécurité nationale :
http://www2.gwu.edu/~nsarchiv/NSAEBB/NSAEBB153/index.php.
VOIR AUSSI : La nature de l'intervention de la CIA au Venezuela
http://www.michelcollon.info/articles.php?dateaccess=2005-03-30%2023:39:17&log=invites
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