"Exit strategy" en Irak ? Une fausse guerre entre Bush
et le Congrès.
Lucio Manisco
Avec le vote à la Chambre des représentants
du 23 mars et celui du Sénat quatre jours après, le Congrès
des Etats-Unis à majorité démocrate aurait imposé
au président Georges Bush le retrait des troupes d’Irak et alentours
d’ici 2008, et ce retrait aurait été la condition sine qua
non pour concéder au chef de l’exécutif les 124 milliards
de dollars de financement de l’envoi de 21 mille ou 31 mille militaires
de plus à Bagdad et à Anbar. Selon les rapports des correspondants
des plus grands quotidiens italiens aux Usa, ceci aurait été un
tournant décisif.
Unestimmungsbrechung, une rupture, un changement radical, de la guerre à
la paix, dans les humeurs de l’opinion publique et de ses représentants
que le président, malgré ses menaces de veto, ne pourra pas ignorer.
Le problème des correspondants italiens dans la république étoilée
est qu' ils ne lisent pas les textes des résolutions des deux chambres,
les actes du Congrès, les déclarations des plus importants représentants
démocrates. S’ils l’avaient fait, ils auraient écrit
que la Chambre des représentants a approuvé l’affectation
des 124 milliards de dollars, et que l’échéance indiquée
pour le retrait partiel des troupes – le 1er septembre 2008 - pourra être
évitée par le chef de l’exécutif par une simple note
d’information au Congrès sur les progrès enregistrés
dans les 17 prochains mois, et sur la nécessité d’allouer
d’autres fonds nécessaires pour prolonger l’occupation de
l’Irak. C’est Nancy Pelosi elle-même, nouveau leader démocrate
de la Chambre, qui a donné des éclaircissements ultérieurs
sur les tâches des forces US à « redéployer »
en Irak dans le cas où Bush devrait faire sienne l’échéance
indiquée : « Elles ne pourront être employées que
pour des opérations d’anti-terrorisme, pour l’entraînement
de l’armée irakienne, et pour la protection du personnel diplomatique
». Plus ou moins les mêmes tâches qu' a mentionnées
Bush le 10 janvier quand il a décidé d’envoyer d’autres
troupes.
Plus générique encore et moins contraignante l’échéance
de mars 2008, indiquée par le Sénat pour « redéployer
» le corps expéditionnaire quand le refinancement de son augmentation
numérique sera accompli. Le chef du groupe démocrate de la chambre
haute, le sénateur Harry Reid, a assuré que les soldats ne seront
de toutes façons pas rapatriés mais transférés en
Afghanistan « pour combattre Al Quaeda ». Le sénateur Joe
Biden, candidat aux présidentielles, a été plus précis
: « La date de mars 2008 n’est que l’indication d’un
objectif : il reviendra aux commandants sur le terrain de décider d’ici
une année si cet objectif a été ou peut être atteint
».
Il est particulièrement intéressant, toujours dans ce contexte,
de jeter un coup d’œil aux actes du Congrès concernant les
compte-rendus du bilan de la Défense qui, sans l’allocation supplétive
des 134 milliards, se montait déjà à environ 500 milliards
de dollars : des dizaines et dizaines de milliards seront dépensés
pour compléter l’installation de 14 grandes bases en Irak, et le
renforcement de la green zone dans la capitale, qui, en plus d’abriter
la plus grande ambassade US du monde, défendra les ministères
irakiens, et des douzaines de compagnies paramilitaires étasuniennes.
Quatre de ces bases, avec piste d’atterrissage de quatre et cinq miles
pour bombardiers stratégiques, occupent des aires de 25 kilomètres
carrés : sur celle d’Anaconda, on est en train de terminer des
logements pour 21 mille soldats ; celle de Camp Taji disposera d’un métro,
de chaînes de Mc Do, Burger King et Pizza Hut ; un immense lac artificiel
entourera Camp Victory avec des logements pour 14 mille militaires, hôtels
et salles de conférence en béton armé. Toutes les bases
en dehors de la green zone sont délocalisées loin des centres
habités parce que la leçon de Ho Chi Minh a été
apprise au prix fort : « Les américains ne peuvent être combattus
que de près, en les empoignant par la ceinture ».
Aucune exit strategy donc, mais, bien au contraire, les préparatifs alarmants
d’une grande guerre moyen-orientale, et, simultanément, la tentative
de façade d’un Congrès à majorité démocrate
d’aller au devant de l’insatisfaction de l’opinion publique
à l’égard d’un conflit sanglant et insensé,
et de préparer ainsi la revanche sur les républicains aux prochaines
élections présidentielles de l’année prochaine.
www.luciomanisco.com
Edition de mercredi 4 avril 2007 de il manifesto http://www.ilmanifesto.it/Quotidioano-archivio/04-Aprile-2007/art16.html
Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio
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